2007年5月26日 星期六

Sandrine Bonnaire / Cannes


(gouvenel studio)




Les soeurs bonté
Sandrine Bonnaire, 39 ans. Son film, «Elle s'appelle Sabine», est un portrait de sa soeur autiste.
Par LANÇON Philippe
QUOTIDIEN : samedi 26 mai 2007

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Un jour, à un journaliste, Sandrine Bonnaire a dit : «J'ai une amnésie, peut-être pas inconsciente, mais totale de mon enfance.» Au coeur de l'amnésie, il y a des douleurs, des impossibilités et des rêves. Il y a peut-être Sabine, sa soeur autiste, d'un an sa cadette. Dans son premier documentaire, Sandrine filme Sabine, amoindrie et déformée par la maladie, l'angoisse, le poids des médicaments et cinq ans d'internement psychiatrique. Elle l'aime en la filmant.
Grâces jumelles. En contrechamp, elle donne à voir son état quinze ou vingt ans avant, malade mais mince, droite, d'une élégance d'amazone, puisque déjà l'une filmait l'autre. Sandrine montait les marches, Sabine les descendait, leurs grâces étaient jumelles. Sur les archives, le sourire de Sandrine dépose sur son visage une présence naturelle au monde. Celui de Sabine hésite, pris dans les nerfs. Sa paupière inférieure droite ne cesse de battre, imperceptiblement, face au monde qui s'éloigne. «On sent, dit Sandrine, qu'elle a une vivacité trop forte.» Elle a eu l'idée du film voilà neuf ans, quand sa soeur était en hôpital psychiatrique : «Je voulais dénoncer la situation.» Elle y renonce. Le temps passe, elle hésite. Elle ne veut pas ressembler «à ces acteurs qui écrivent des livres pour qu'on les plaigne, [elle] déteste ça». L'amour et la souffrance, il faut prendre son temps pour les révéler.
On filme aussi pour ne pas oublier. Dans la famille Bonnaire, il y avait dix frères et soeurs. Sandrine a une caméra. Elle est l'oeil de leur mémoire. Très jeunes, elle et ses trois soeurs aînées s'occupent de Sabine. «Vers 3 ou 4 ans, se souvient-elle, je savais déjà qu'elle était différente. A l'école, elle était gênante pour nous. Elle nous mettait la honte... On avait presque des rôles de parents et on ne trouvait pas ça normal. Mais, avec mes soeurs, ça nous a vraiment unies. Nous sommes liées par ça.» Elles s'occupent toujours de Sabine à tour de rôle. Sandrine n'annonce pas ses visites pour ne pas angoisser Sabine, pour ne pas la décevoir si elle ne vient pas. Elle est la surprise. Le reste du temps, elle écrit ou téléphone. Les horaires sont souvent incompatibles : quand l'actrice finit une journée de tournage, la malade dort déjà.
Délicatesse spontanée. La mère refusait de voir la maladie de sa fille. Le père, ouvrier ajusteur, s'en occupait peu, car «il travaillait beaucoup». Sandrine se souvient de ceci : «En rentrant du travail, il garait tous les jours sa mobylette dans le jardin, tous les jours Sabine mettait sa mobylette par terre.» A 20 ans, elle joue très bien du piano. Plus tard, Sandrine lui en offre un ­ celui du film. On la voit jouer sur archives le premier prélude de Bach, très bien et assez vite, puis essayer de le jouer aujourd'hui.
Sabine aime aussi les goûts que Sandrine rapporte de ses premiers voyages, la salsa, le reggae. Elle dit souvent à sa soeur : «T'es artiste de cinéma. T'as de l'argent.» Sandrine l'évoque en souriant. Elle parle avec une délicatesse spontanée, sans en dire trop ni affecter d'en dire trop peu. Ce qu'elle dit ne donne aucun droit sur elle à ceux qui l'écoutent. Elle pense que la maladie de sa soeur n'a rien déterminé dans sa carrière d'actrice, sauf une fois : «En 1998, pendant que je tournais Voleur de vie, d'Yves Angelo, elle a eu une grosse crise. J'étais complètement déprimée.»
Quand ils font A nos amours, en 1983, Sandrine a 16 ans, et Maurice Pialat la raccompagne le soir chez elle. Il connaît Sabine et la filme jouant du Schubert. La scène n'est pas gardée au montage. Sandrine ne l'a jamais revue. «Sabine adore ce film, dit Sandrine. Elle en connaît des tas de répliques par coeur.» Aujourd'hui, Maurice Pialat manque à Sandrine, «et bizarrement de plus en plus. Parfois, je sors de films en me disant : "C'est pas complètement ça." J'ai envie de retrouver quelque chose de brutal, d'utile, de vivant et mobile, qui va à l'essentiel». Elle a retrouvé ça en voyant Little Odessa, de James Gray.
En 1989, Sandrine joue au Théâtre de Gennevilliers dans la Bonne Ame de Setchouan, de Bertolt Brecht. Elle filme sa soeur reprenant des extraits de son rôle. «Elle jouait faux, évidemment. Mais c'était fort. J'ai coupé la scène, car elle n'entrait pas dans le film.» Sandrine n'a plus envie de jouer au théâtre. «J'y vais peu, je m'y ennuie souvent, je trouve ça un peu poussiéreux.» Elle est venue à Cannes pour une journée. Sa joie anguleuse et sa gravité sensuelle fleurissent dans une jupe en jean sans recherche. La sobriété est son meilleur trophée.
Héroïne. Elle a joué, dans la Cérémonie de Claude Chabrol, un rôle de bonne meurtrière. En ce moment, dans le premier film de Marion Laine, elle prépare celui de Félicité, la servante d' Un coeur simple, de Flaubert . C'est à cette occasion qu'elle a découvert le conte. Félicité est déçue par l'amour, se relève dans le dévouement à sa maîtresse et l'amour pour son perroquet. Qu'en pense l'actrice ? «C'est le destin de quelqu'un qui est volontaire, optimiste, et sur qui le sort s'acharne. Tout lui est retiré et elle finit par en mourir. C'est la douleur qui l'use.» Sandrine a deux enfants. Quand elle doit faire quelque chose qu'elle préférerait ne pas faire, sa fille a pour coutume de répéter : «C'est la dure loi de l'Ouest.» Elle n'a pas tort. Mais, dans cet Ouest-là, Sandrine est une héroïne, violente et posée.
Son compagnon, Guillaume, le scénariste d' Amélie Poulain, prépare sa première fiction. Elle est inspirée par un petit événement. «Un jour, dit Sandrine, le TGV est tombé en panne à proximité du centre où vit Sabine. Les passagers ont été accueillis par les autistes, ce sont eux qui, pour une fois, se sont occupés des gens normaux. Où est la frontière entre les uns et les autres ? C'est cette question qui nous a décidés à faire le film.» Sandrine jouera le rôle d'une autiste qui ressemble à Sabine.

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