
(AP/David Vicent)
Les réserves de voix pour Ségolène Royal, une des clefs du 6 mai
LE MONDE 05.05.07 14h16 • Mis à jour le 05.05.07 19h30
Tous les sondages accordent, désormais, une avance très nette à Nicolas Sarkozy sur Ségolène Royal. Selon les enquêtes réalisées au lendemain du débat télévisé du 2 mai, le candidat de l'UMP l'emporterait, dimanche 6 mai, avec 53 % à 54,5 % des voix. Pour la candidate socialiste, la seule question qui vaille est de savoir quelles conditions elle devrait réunir pour espérer combler son handicap.
Or le second tour de la présidentielle n'est pas une boîte noire : il résultera, pour l'essentiel, des principaux rapports de force établis par le vote du 22 avril et du report des voix des candidats éliminés au soir du premier tour.
La première partie de l'équation est donc connue. Sur 43,6 millions d'électeurs inscrits, 6,7 millions se sont abstenus (15,4 %), près de 500 000 ont voté blanc ou nul, 11,3 millions ont voté pour Nicolas Sarkozy (31,1 %) et 9,4 millions pour Ségolène Royal (25,8 %), soit un retard, pour cette dernière, de près de 2 millions de voix sur son concurrent. Quant aux électeurs de l'ensemble des autres candidats, ils étaient 15,2 millions.
Dès lors, deux questions se posent : chacun des candidats peut-il trouver du renfort parmi les abstentionnistes du 22 avril ? Comment vont se reclasser ces 15,2 millions d'électeurs qui ont voté il y a quinze jours pour l'extrême gauche, l'extrême droite ou le centre ?
Sur le premier point - la réserve des abstentionnistes - les marges prévisibles sont étroites. Le taux d'abstention du premier tour était, en effet, l'un des plus faibles depuis quatre décennies, pratiquement identique à celui de 1974. Il est vrai que, cette année-là, l'abstention avait encore baissé de 3 points au second tour. Même si une mobilisation similaire se produisait cette année parmi les abstentionnistes du 22 avril, cela représenterait donc une réserve de l'ordre d'1,3 million de voix. Or l'expérience démontre que, dans ce cas, les nouveaux votants se répartissent à peu près également entre les deux candidats, avec une prime à celui qui bénéficie de la dynamique politique la plus forte durant les derniers jours de campagne. Ce n'est donc pas de ce côté-là que Ségolène Royal peut espérer combler une partie de son retard, d'autant qu'une petite fraction de ses électeurs du premier tour pourrait lui faire défaut (7 %, soit tout de même plus de 600 000 voix, selon le dernier sondage de la Sofres qui affecte d'ailleurs à Nicolas Sarkozy le même taux d'érosion).
UN RÉSERVOIR DE 15 MILLIONS DE VOIX
La question reste donc posée : comment la candidate socialiste peut-elle combler son handicap de près de 2 millions de voix ? Pour y parvenir, il lui faudrait pouvoir piocher très largement dans le réservoir des 15,2 millions d'électeurs des candidats éliminés. Pour situer les ordres de grandeur, il lui faudrait bénéficier : d'un report massif en sa faveur (de l'ordre de 80 %) des voix de toute la gauche non socialiste ; d'un large report (de l'ordre des deux tiers) des voix centristes de François Bayrou ; et d'un appoint non négligeable (de l'ordre de 20 %) des voix recueillies au premier tour par l'extrême droite.
Or l'examen des dernières enquêtes d'intentions de vote montre que ces hypothèses sont extrêmement - pour ne pas dire excessivement - optimistes. C'est d'abord le cas des 3,8 millions d'électeurs de l'ensemble de la gauche non socialiste qui ne semblent pas décidés à se reporter massivement sur Ségolène Royal. Si les anciens partenaires de la gauche plurielle (communistes et Verts) pourraient la rejoindre à 70 %, ce n'est pas le cas du million et demi de partisans d'Olivier Besancenot : 58 % seulement d'entre eux, selon la Sofres, semblent prêts à suivre la consigne - minimaliste - de leur direction en faveur de Mme Royal, mais 27 % envisagent de s'abstenir et 15 % de rejoindre M. Sarkozy.
De même, du côté des 4,4 millions de voix recueillies par Jean-Marie Le Pen et Philippe de Villiers, rien n'indique que Mme Royal puisse y trouver un appoint réellement significatif. Au contraire, en dépit de l'appel du président du Front national à ses électeurs pour qu'ils s'abstiennent le 6 mai, ils semblent décidés à voter pour le candidat de l'UMP : selon la Sofres, 61 % d'entre eux disent qu'ils ont fait ce choix, contre 12 % seulement qui voteraient pour la candidate socialiste et 27 % qui s'abstiendraient.
Autrement dit, les gains potentiels de Mme Royal à la gauche du PS sont largement équilibrés par ceux de M. Sarkozy à la droite de l'UMP.
Reste le pactole des 6,7 millions de voix centristes. Là encore, tout indique qu'un report massif de ces électeurs vers la candidate socialiste est improbable. Au lendemain du débat télévisé Royal-Bayrou, l'enquête de la Sofres pour Le Monde (daté 2 mai) laissait encore penser que près de la moitié d'entre eux pourrait opter pour Mme Royal, contre un tiers pour M. Sarkozy.
Au cours des jours suivants, ce rapport s'est inversé : après le débat télévisé entre les deux finalistes, 40 % des électeurs centristes s'apprêtaient à voter pour le candidat de l'UMP, contre 35 % pour la candidate du PS et 25 % d'abstentions.
A la veille du scrutin, le constat est donc clair : sauf énorme erreur d'appréciation des sondages, on ne voit pas de quelles réserves de voix Ségolène Royal pourrait disposer pour espérer rattraper son retard sur le candidat de l'UMP.
Gérard courtois